B. Studer u.a. (Hrsg.): Le droit d’être suisse

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Titel
Le droit d’être suisse. Acquisition, perte et retrait de la nationalité de 1848 à nos jours


Herausgeber
Studer, Brigitte; Arlettaz, Gérald; Argast, Regula
Erschienen
Lausanne 2013: Editions Antipodes
Anzahl Seiten
261 S.
Preis
URL
Rezensiert für infoclio.ch und H-Soz-Kult von:
Alix Heiniger

Ce livre est une traduction mise à jour par Brigitte Studer d’un ouvrage publié en allemand en 2008. Il livre une analyse fine des processus de mise en place des conditions d’octroi et de retrait de la nationalité suisse depuis 1848, structurée en trois parties chronologiques (1848–1898, 1898–1933 et 1934–2004), auxquelles s’ajoute un chapitre thématique consacré à la déchéance de la nationalité pendant la Seconde Guerre mondiale et une introduction qui jette les bases problématiques et théoriques de la réflexion. S’inscrivant dans le sillage des récents développements historiographiques sur la construction de la nationalité et la nationalisation des Etats qui l’accompagne, 1 l’ouvrage offre une contribution bienvenue sur le cas helvétique, en montrant comment la Suisse n’échappe pas au paradigme national qui domine chez ses voisins, tout en mettant en lumière les spécificités d’un Etat fédéral où les compétences en matière de nationalité et de citoyenneté se disputent surtrois niveaux.

Dans le premier chapitre consacré à la période entre 1848 et 1898, Regula Argast analyse l’établissement d’une définition de l’acquisition d’un droit de cité suisse et l’entrée en scène de la Confédération. Confrontée à plusieurs problèmes qu’elle est incapable de régler dans la configuration constitutionnelle et légale de l’époque (heimatlos, conflits diplomatiques), elle s’octroie de plus en plus de prérogatives en la matière dans une longue négociation avec les communes et les cantons pour in fine construire un espace national dans lequel les citoyen-ne-s suisses peuvent se mouvoir et jouir des mêmes droits quel que soit leur lieu de résidence. L’historienne en conclut: «[…] la nationalité suisse est devenue un instrument de gouvernement du jeune État fédéral.»

Dans le second chapitre, Gérald Arlettaz analyse l’apparition de l’Ueberfremdung, concomitante à l’augmentation du nombre d’étrangers dans le pays et la construction de catégories pour distinguer les «assimilables» parmi ces derniers. Parallèlement à la formulation de ces questions, se construit un discours sur «l’identité nationale». La Première Guerre mondiale s’inscrit alors comme un tournant dans la pensée et la politique helvétique. En 1914, le conseil fédéral identifie la naturalisation comme une solution à l’augmentation de la population étrangère dans le pays, mais après la guerre l’accès à la nationalité est complexifiée et surtout l’approche change. Il s’agit désormais d’examiner la compatibilité des candidat-e-s à une série de critères ethniques difficilement définissables. Avant la guerre, la naturalisation est considérée comme un outil d’assimilation, alors qu’après celle-ci constitue une condition préalable de celle-là. De plus, c’est pendant cette période qu’est créée la police fédérale des étrangers.

Brigitte Studer ouvre le chapitre consacré à la période entre 1934 et 2004 sur les effets de l’entrée en vigueur de la Loi sur le séjour et l’établissement des étrangers de 1931, qui permet de distinguer les personnes «bienvenues» des «indésirables». Après la période des pleins pouvoirs, occasion d’une restriction de l’accès à la nationalité, la question de l’immigration est davantage formulée en lien avec les besoins de main-d’oeuvre. En grande partie considérée comme transitoire sur le sol suisse, la population étrangère doit remplir certains critères comme de correspondre aux besoins de l’économie, de posséder des documents en règle et de jouir d’une bonne santé attestée par une visite médicale. Les candidat-e-s ne doivent pas non plus appartenir à un parti politique extrémiste. Parallèlement, la loi de 1903 est révisée en 1952. La nouvelle loi permet aux Suissesses de conserver leur nationalité après mariage avec un étranger pour autant qu’elles en fassent la demande et à leurs enfants d’accéder plus facilement à la nationalité suisse. Elle est aussi conçue aussi comme un instrument de lutte contre l’Ueberfremdung y compris par des mesures de police. Les autres dispositions de la loi vont dans le sens d’un durcissement du règlement et incluent l’introduction d’un examen d’aptitude. C’est aussi pendant cette période (1965–1974) que cinq initiatives sont lancées par le «mouvement contre la surpopulation étrangères» en s’appuyant sur un discours xénophobe et nationaliste. Enfin au tournant du siècle, l’UDC tente d’imposer la naturalisation comme un thème dans le débat politique et sociétal.

Dans le dernier chapitre, Nicole Schwalbach analyse comment la déchéance de la nationalité a été présentée comme un instrument de défense de la sécurité et de l’indépendance de l’Etat déjà vers la fin de la Première Guerre mondiale. En comparant la situation helvétique avec celle de l’Allemagne, de la France et de la Grande-Bretagne, elle montre que la possibilité d’exclure un individu de la nationalité ainsi que la distinction opérée entre national de naissance et naturalisé n’est pas une exclusivité suisse. Pendant la Seconde Guerre mondiale, l’influence du général Guisan et la crainte d’une infiltration étrangère fournissent un contexte favorable à la promulgation de trois arrêtés qui jettent les bases de la dénaturalisation. Ils prennent respectivement pour cibles les épouses dans des mariages dits fictifs ou de complaisance, les double-nationaux qui auraient agi contre la Suisse et enfin également les mono-nationaux helvétiques, qui vivant à l’étranger auraient porté préjudice au pays. L’auteure décrit la mise en oeuvre de ces dispositions légales en analysant des cas concrets d’application.

Loin de restreindre leur réflexion à une analyse stricto sensu de la nationalité, les auteur-e-s de l’ouvrage livrent une analyse fine de ce que l’octroi et la déchéance de la nationalité impliquent dans la transformation et l’évolution de l’Etat helvétique sur une longue durée et des jeux d’échelles entre les niveaux communal, cantonal et fédéral. Elles et il examinent la genèse du discours sur les nationaux et sur les étrangers et la construction parallèle de ces catégories. L’étude n’omet pas non plus les acteurs qui ont joué un rôle dans ces processus comme Max Ruth, fonctionnaire fédéral à la division de police (1920–1944), qui a notamment contribué à rejeter le principe de jus soli juste après la Seconde Guerre mondiale. Enfin, l’approche en termes de genre permet d’enrichir l’analyse. L’ouvrage est complété par une série d’illustrations, correspondances, appels, articles et dessins de presse, placés en annexes.

1 Gérard Noiriel, État, nation et immigration. Vers une histoire du pouvoir, Paris/Berlin 2001; Paul-André Rosental, Migrations, souveraineté, droits sociaux. Protéger et expulser les étrangers en Europe du XIXe siècle à nos jours, in: Annales. Histoire, Sciences sociales 2 (2011), pp. 335–373.

Zitierweise:
Alix Heiniger: Rezension zu: Brigitte Studer, Gérald Arlettaz, Regula Argast, Le droit d’être suisse. Acquisition, perte et retrait de la nationalité de 1848 à nos jours, Lausanne: Antipodes, 2013. Zuerst erschienen in: Schweizerische Zeitschrift für Geschichte Vol. 64 Nr. 2, 2014, S. 337-339.

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Zuerst veröffentlicht in

Schweizerische Zeitschrift für Geschichte Vol. 64 Nr. 2, 2014, S. 337-339.

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